how to be an alien.

▬ gypsy blood running through my heart
Un minimum de 7 faits plutôt développés sur votre personnage est à préciser ici. Ceux-ci devront mettre en lumière son caractère, sa vision de la vie ou toute autre chose fondamentale de sa personne. En somme, nous n'attendons pas un "il déteste les épinards". Vous pouvez toutefois l'échanger contre la partie qui suit, sur les anecdotes (ou même faire les deux !).

▹ Rodrigue est le deuxième. Rodrigue est l'éternel deuxième. Second d'un duo de garçons, il était celui que les parents laissaient sans crainte vadrouiller dans le quartier en vélo, à un âge où l’aîné n'était même pas encore autorisé à traverser la rue tout seul, parce que c'est dangereux. Celui qui pouvait se contenter de résultats scolaires moyens, celui qu'on appelait toujours "le petit Ruy" aux repas de famille. À l'école, Rodrigue était celui qu'on voyait, mais pas en premier. Dont on ne se demandait jamais tout de suite pourquoi il n'était pas là. Qu'on choisissait toujours dans les derniers en sport, ou dans les travaux de groupe. Celui dont les professeurs ne se donnaient pas vraiment la peine de retenir le nom sans l'écorcher. La meilleure façon de définir la personne qu'il est serait sans doute de regarder derrière son épaule, et d'accorder l'espace d'un instant de l'attention au mec brun et mal coiffé qui se tient à quelques mètres, en retrait, nonchalant et pourtant prêt à réagir, le regard dans le vague et les mains dans les poches, mais les sourcils froncés. Ça, c'est Rodrigue. L'homme de l'ombre. Le fantôme. Le deuxième. Qu'on aime autant mais auquel on fait moins attention.

▹ On pourrait presque comparer Rodrigue à Mononoké, parfois. Le garçon a grandi fort isolé avec pour seules règles les quelques recommandations que lui donnaient les plus vieux sans trop de ferveur et pour uniques attentions les regards passagers peu soucieux du reste du monde. C'est un drôle de cercle vicieux. Dans son coin, quelque part derrière l'aîné, il a construit sa personnalité, ses goûts, ses passions, sans avoir à tenir compte de nombreux paramètres extérieurs, réaction directe à l'attention moindre qu'on lui portait, ou semblait lui porter. Et face à cet être distant peu soucieux de l'existence des autres, rien de plus naturel que de ne pas le contraindre à devenir un personnage principal, que de ne pas trop s'en approcher, de s’accommoder parfaitement de son statut de figurant, parce qu'au fond, c'est moins embêtant comme ça. Et ainsi de suite. Alors Rodrigue, puisqu'on lui laissait le choix de ne pas avoir à répondre à quoi que ce soit à son sujet, s'est tout naturellement adapté et fondu dans un costume taillé sur mesure, disparaissant dans la foule et ne réapparaissant que lorsqu'on avait une affaire à traiter directement avec lui. Et comme un enfant qui grandit tout seul, Rodrigue fait peu fi des convenances. Bien sûr qu'il a une éducation, mais le relationnel et le tact n'ont jamais été son fort. Regarder dans le vague tout au long d'un monologue de son interlocuteur, se gratter distraitement la joue, et tourner les talons sans demander son reste, car il n'est tout simplement pas intéressé, ou bien répliquer sans amabilité aucune lors d'une conversation dont il ne fait absolument pas partie - voilà le genre de Rodrigue. Parfois cassant, parfois indifférent, à quoi bon bien se comporter avec les gens lorsqu'il n'en ressent pas le besoin ? Les règles de bienséance modernes ne semblent pas avoir été tatouées au fer rouge dans son esprit.

▹ L'une des majeures parties de la vie de Rodrigue se résume au dessin, une sorte de don du ciel qu'il possède depuis qu'il est en âge de tenir un crayon en main. Sans vraiment prendre conscience qu'il était doué, il s'est toujours amusé à gribouiller à ça et là, plutôt que d'écouter ce que les gens pouvaient bien lui raconter. Crayon, bic, fusain, bombe, posca, il s'adapte à tout et dessine sans vraiment y penser. Dessine tout ce qu'il voit, pense, imagine. Un moyen d'exprimer ce qu'il est incapable d'exprimer de ses paroles parfois trop brutales? peut-être, bien qu'il n'ait jamais réellement ressenti le besoin d'extérioriser des émotions indicibles. C'est juste pour lui totalement naturel de s'exprimer sur le papier. Et bizarrement, il n'avait jamais songé plus qu'une simple pensée volage traversant son esprit dans un moment d'égarement à en faire son métier. Pas du tout, même, il était beaucoup trop logique pour lui que cela reste un réflexe, une passion officieuse qu'un vrai boulot. D'autant plus qu'il avait déjà un rêve de gosse à réaliser. Et finalement, après avoir raté encore et encore, il s'est finalement tourné vers ce pour quoi il était le plus doué - ou en tout cas, le moins merdique - à savoir son instinct animal d'artiste.

▹ Comme chaque gamin, Ruy nourrissait avec ambition un rêve de vie. Policier, joueur de foot, danseuse, maîtresse, et parfois même roi du monde, combien de fois les gosses n'ont pas cassé les pieds de leurs parents en piaillant, ceux-ci se contentant d'acquiescer avec un sourire, sans le coeur à avouer à leur bout de chou que la finalité serait très certainement complètement différente de leurs désirs. Lui était bien au-dessus de cela. Il en avait des rêves, bien sûr. Comme tous les enfants. Mais bizarrement, jamais il ne s'était laissé à entrevoir une carrière de ce type, ennuyeuse et commune à tous. Non, ce dont rêvait Rodrigue, c'était d'être un grand, un très grand médecin. Et pas n'importe quel très grand médecin, non, un très grand médecin sans frontière. C'était ça son rêve enfoui, qu'il ne révélait jamais sans que ça ne soit suivi d'un fard. Et ce désir de faire partie des médecins sans frontière l'a suivi toute sa vie, jusqu'à ce qu'il finisse par s'inscrire en fac de médecine, dont il rata la première année. Sans se décourager, toutefois, il changea d'orientation, car les psychologues servaient autant sur les chantiers de MSF que les médecins. Nouvel échec. Incompréhension. Cette voie n'était peut-être simplement pas faite pour lui. Son esprit était peut-être incapable de rester fixé sur ses études car elles n'étaient peut-être pas faites pour lui.

▹ On en connait tous, des gens forts qui supportent les aléas de la vie en serrant des dents bien qu'on sache parfaitement que sous la crinière c'est la tempête, des gens hypocrites qui refusent d'avoir l'air humains parce que c'est pour eux un synonyme d'être faibles, ou des gens égoïstes qui refusent de partager quoi que ce soit avec quelqu'un, tout en étant l'oreille attentive de tout le monde. Et puis tant d'autres nuances. De mémoire, il faudrait être doué pour se souvenir de la dernière fois où on a vu des larmes briller dans les yeux de Rodrigue. C'est un peu comme s'il en était incapable. Physiquement, s'entend. Relativement résistant à la douleur corporelle, il serre les dents, plisse les yeux, ou ne réagit tout simplement pas. Il se souvient encore de la fois où il s'était scratché en plein sprint, vers les treize ans, et qu'il s'était fracturé le poignet sans même s'en rendre compte, ne comprenant qu'il y avait un couac qu'une semaine et demi plus tard, après avoir constaté que son membre avait doublé de volume. À vrai dire, la seule chose qui pourrait lui arracher des larmes, ça serait la colère.

▹ Le truc, c'est que Rodrigue n'est pas une bête sauvage, bien au contraire. Quoi qu'un peu rudeau parfois, il possède une réelle personnalité qui ne s'arrête pas au mec un peu paumé et un peu trop solitaire. À l'école, il avait des amis, il riait, ne passait pas ses weekends cloîtré chez lui. La seule différente était qu'il suffisait qu'il y ait un ou deux absents stratégiques pour qu'il se retrouve seul sur son banc. Et bizarrement, les histoires qui secouaient son petit groupe dont il faisait pleinement confiance à chacun des membres ne prenaient jamais la même ampleur que celles de ces élèves un peu connus du lycée. L'art de la discrétion, peut-être.

▹ Ruy est un véritable cinéphile et mélomane. L'essentiel du 20m² qu'il partage avec son poisson rouge et son carlin noir est utilisé dans le rangement de ses disques et dvds. S'il est capable d'écouter et de regarder tout ce qui sort, il en reste néanmoins très sélectif sur ce qu'il aime. Ne gagne une place sur ses étagères que les sons et films ayant passé des tests ultra poussés. Ça ne l'empêche pas d'avoir une collection impressionnante et d'avoir des goûts assez variés. En ce qui concerne le cinéma, en tout cas, car il se fait étrangement moins tolérant en ce qui concerne la musique. Son âge, par exemple, ne lui donne absolument pas l'impression d'être attardé lorsqu'il passe devant ses dvds des dessins animés Disney ou même devant l'ensemble de la filmographie de Miyazaki. Miyazaki. Parlons-en. Ruy pourrait très bien être son admirateur ultime. Absolument fasciné par l'oeuvre du vieil asiatique, il ne se lasse pas de regarder encore et encore ce qui pour lui relève du classique.